Les aventures du philosophe inconnu

«Si la nécessité ne nous avait familiarisé l’artifice de signifier des choses grandes par l’entremise de celles qui sont beaucoup moindres, je n’eusse jamais conçu la pensée d’offrir ce Livret à vos mérites, pour témoigner des très hauts sentiments qu’ils ont imprimés dans mon Esprit, et de la mémoire que j’ai résolu de conserver de vos obligeantes affections. Mais comme nous marquions ordinairement les étoiles par des points, la grande source du jour, par un petit crayon, et des trésors immenses par dix ou douze chiffres, aussi n’est-il pas éloigné de la coutume de représenter de grandes reconnaissances, par des offres et des présents assez peu considérables.

Ce Livret n’est point à la vérité un Ouvrage de mon esprit, sa matière est trop éloignée des sujets, à la considération desquels, ma profession m’oblige; et le Grand Œuvre de la Grâce, plutôt que celui de la nature me devant occuper entièrement, j’aurais tort de prendre le change, et j’imiterais les mauvais Alchimistes, qui voulant produire de l’Or, d’un bon métal font une mauvaise fumée. C’est l’Ouvrage d’un jeune homme qui m’a été autrefois fort familier, et qui mourut depuis peu en réputation d’homme de bien et savant, dont les écrits me tombèrent entre les mains.

Et comme j’en parcourus celui-ci assez attentivement, il me sembla que dans sa brièveté, il comprenait beaucoup, et pouvait au moins désabuser les Souffleurs et malheureux Alchimistes de ce temps, qui ne seraient point des plus opiniâtres. J’estime que pour le style vous le trouverez un peu négligé, et qui témoigne la précipitation de son Auteur: il a néanmoins de la gentillesse et de la gaité dans son invention.»

 

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