Le diable boiteux
«Une nuit du mois d’octobre couvrait d’épaisses ténèbres la célèbre ville de Madrid: déjà le peuple, retiré chez lui, laissait les rues libres aux amants qui voulaient chanter leurs peines ou leurs plaisirs sous les balcons de leurs maîtresses; déjà le son des guitares causait de l’inquiétude aux pères, et alarmait les maris jaloux; enfin il était près de minuit, lorsque don Cléophas Léandro Perez Zambullo, écolier d’Alcala, sortit brusquement par une lucarne d’une maison où le fils indiscret de la déesse de Cythère l’avait fait entrer.
Il tâchait de conserver sa vie et son honneur, en s’efforçant d’échapper à trois ou quatre spadassins qui le suivaient de près pour le tuer, ou pour lui faire épouser par force une dame avec laquelle ils venaient de le surprendre. Quoique seul contre eux, il s’était défendu vaillamment, et il n’avait pris la fuite que parce qu’ils lui avaient enlevé son épée dans le combat. Ils le poursuivirent quelque temps sur les toits; mais il trompa leur poursuite à la faveur de l’obscurité; il marcha vers une lumière qu’il aperçut de loin, et qui, toute faible qu’elle était, lui servit de fanal dans une conjoncture si périlleuse.
Après avoir plus d’une fois couru le risque de se rompre le cou, il arriva près d’un grenier d’où sortaient les rayons de cette lumière, et il entra dedans par la fenêtre, aussi transporté de joie qu’un pilote qui voit heureusement surgir au port son vaisseau menacé du naufrage.»
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