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Petite chronique d'une fabrication

Nous fabriquons des eBooks depuis l'an 2000. Il a fallu tout inventer, tâtonner pour produire un résultat à la fois joli et pratique. Au début, il y avait le choix entre des fichiers PDF ou html. Nous avions assez vite opté pour le PDF, un format qui est devenu une norme. — D’ailleurs, à l’époque (ça y est, je me sens vieille!), on devait écrire PDF en majuscules pour que le fichier puisse être lu par le système. Ces majuscules rendent aujourd’hui le fichier illisible.

Notre souci a toujours été de proposer du fond, mais aussi de la forme: des livres aisés et agréables à lire, ce qui implique un choix de caractères faciles à lire mais également jolis et une mise en page léchée. Des polices diversifiées, des exposants et des indices, des italiques, des gras et des déliés, de la titraille esthétique, des tableaux bien conçus, parfois des images… Et aussi des notes de bas de page, des liens interactifs, du beau. Oui, nous aimons le beau.

Faire un beau livre sous pdf, c'est devenu possible au fil des ans, mais faire un joli epub aujourd'hui, c'est pas de la tarte! Je parle du eBook de lecture, et non pas le «vrai» eBook qui comporte des images, des animations, des liens, du son, bref, celui qui exploite à fond les technologies du futur, non applicables pour un texte de Plutarque.

Chez nous, c'est le livre littéraire proposé sous forme numérique et les enrichissements typographiques sont basiques. Avec l'arrivée du epub, et je me suis retrouvée comme aux premières heures des rustiques PDF qui n'emportaient que trois polices et aucun caractère spéciaux. Il fallait bidouiller.

En persévérant, j'ai fini par produire des documents tout à fait acceptables, bien que beaucoup moins esthétiques que nos PDF, car les tablettes de lecture ont d'autre exigences. Finies les espaces ultra-fines, finis les demi-cadratins et les jeux de tabulations, finis les tableaux élaborés: l'encodage epub interprétant tout cela comme des caractères intempestifs à rejeter. L'alerte rouge en langage extra-terrestre pour me le dire était aussi vulgaire que mon vocabulaire en la lisant.

Alors j'ai cherché, testé et trouvé. Il fallait user académiquement du logiciel et appliquer les règles de l'art: pas de multiples retours à la ligne mais configuration précise et utilisation des styles. Remplacer les caractères grecs par une image (c'est-à-dire, la fabriquer auparavant), comme au bon vieux temps du PDF natif. Bref, avec du travail, le résultat est honnête et désormais, les epubs Arbre d'Or sont à la hauteur.

Je caressais le projet d'offrir lesdits epubs sur iTunes, une prestation supplémentaire pour satisfaire encore mieux notre clientèle. Je l'ai raconté ailleurs, la création du compte marchand fut déjà une petite galère. Après avoir accompli la chose non sans peine, j'épluchai le mode d'emploi sur la façon d'envoyer mes epubs à Madame iTunes.

Il faut plusieurs logiciels, heureusement fournis gratuitement par Madame Apple. Un pour tester mes epubs avant le téléchargement sur l'interface marchande, et un pour ledit envoi ainsi que toutes les informations concernant le livre qui sont affichées sur le iTunes Store.

Première surprise, mes epubs ne sont pas testés positifs! Il devient alors indispensable que j'apprenne les rudiments de la langue des alertes/aliens parce que «votre fichier est chiffré» me plonge dans un abime de perplexité. Je sais que je fais de la prose, j'ignorais que je chiffrais mes fichiers epub. Me prenant au jeu de la résolution de cette nouvelle énigme, je finis par comprendre qu'il ne faut pas embarquer les polices, qu'elles sont quelque part, ailleurs, mais ne doivent pas être dans mon fichier epub. Je ne cherche pas à en comprendre plus, je décoche la case ad hoc dans le menu indiqué, et voilà, c'est tout bon. Il m'a tout de même fallu une paire d'heures pour en arriver là.

Il eut été trop simple que tout aille bien ensuite. Quand je teste mon fichier dans le logiciel prévu, il n'est pas joli du tout, mon livre. Plus de paragraphes, plus d'espaces jolis entre les titres, tout est coincé dans un texte au kilomètre très peu engageant. Est-ce partout et tout le temps ainsi? Je télécharge un eBook de chez mes concurrents pour me rendre compte que non, tiens, chez eux, c'est aéré. Un peu trop, je trouve, mais enfin, il est possible de varier la présentation.

Je poursuis mes recherches, j'explore, je consulte, je tâtonne, je cherche, je teste et je trouve. C'est suite à une mise à jour du logiciel iBooks — c'est lui qui lit les fichiers epub sur les «i-appareils») — que c'est plus pareil.

Et je finis par constater que pour faire un paragraphe espacé, il faut faire …deux retours à la ligne! Argh, comme n'importe quel utilisateur lambda du clavier informatique! Retour des glêglês, des espaces multiples, du bricolage de la mise en page.

Eh bien, soit! On s'adapte.
La fin justifie les moyens.

J'en suis là, mais je ne vais sûrement pas en rester là, parce qu'un de ces jours, le epub va être un produit aussi sophistiqué que le PDF actuel, c'est sûr.

Voilà. Vous avez une petite idée du travail à fournir pour fabriquer un eBook. C'est du travail de fourmi laborieuse, de moine enlumineur; il faut être sacrément passionné (ou complètement givré).